Dans le prolongement de l’article du 15 août 2015, le site www.codeeuropeendesaffaires.eu estime utile de porter à votre connaissance le Rapport des cinq présidents, rendu public par la Commission Européenne le 22 juin dernier.
Ce Rapport intitulé « Compléter l’Union Economique et Monétaire Européenne » identifie les actions à conduire d’ici 2025 pour conforter l’Union Economique et Monétaire, en particulier la monnaie commune européenne. Cette dernière, au delà de la crise grecque, est confrontée à des interrogations existentielles. En effet, l’Euro n’a pas encore rapporté la preuve qu’il était un instrument de convergence des économies, pourtant sa raison d’être et accessoirement, une condition essentielle de sa viabilité et de sa pérennité.
Comme vous pourrez le constater, ce Rapport des cinq présidents est d’une très haute facture. Il représente un progrès considérable par les actions salutaires qu’il annonce.
Cependant, une lecture attentive du Rapport amène au constat surprenant qu’il ne fait qu’évoquer de manière vague, allusive, la nécessité d’une harmonisation, pourtant évidente, des règles en matière de droit des affaires au sein de la zone Euro, sans faire même aucune mention de la nécessaire et urgente harmonisation, ni du droit social, ni de la fiscalité, vecteurs essentiels de la convergence économique.
L’avis est aujourd’hui unanime, et le Rapport des cinq présidents en atteste par son existence même, l’Euro est encore une construction incomplète ; et c’est bien ce caractère encore incomplet de la construction monétaire européenne qui explique les difficultés actuelles de l’Euro.
Un consensus semble se dessiner aujourd’hui, chez les juristes et au sein des entreprises, sur le fait que les Etats européens ont sans doute commis une erreur en appliquant au cours des années 90 une monnaie commune à des économies aux droits des affaires et règles économiques, sociales et fiscales encore disparates, sans œuvrer dans le même mouvement à l’harmonisation, voire l’unification, de ces mêmes droits et règles.
Il est vrai que l’exercice de l’unification juridique est long et difficile mais, comme le rappelait le Juge Kéba Mbaye, le droit, la règle, au moins autant que la monnaie, sont les vrais ciments pérennes des économies, des nations et des peuples. Certes, les nationalismes juridiques sont forts, mais la volonté politique doit pouvoir les surmonter dès lors que des intérêts supérieurs sont en jeu.
Le dollar américain, référence pour l’introduction de l’Euro, monnaie censée contrebalancer l’hégémonie de la monnaie américaine, est bien lui-même adossé à un Code de Commerce Unique (Uniform Commercial Code, UCC) et la Cour Suprême des Etats-Unis exerce depuis le début des années 30 sa juridiction fédérale suprême dans le domaine clé du droit du travail.
En outre, avec la mise en œuvre de l’OHADAC (www.ohadac.com) les juristes de la Grande Caraïbe et d’Amérique latine prouvent qu’il est possible d’harmoniser des systèmes de droit des affaires de pays aux traditions juridiques et langues différentes.
Enfin, dans son plaidoyer pour que la communauté de monnaie européenne soit adossée à un socle juridique commun en matière de droit des affaires, l’article précité du 15 août 2015 rappelait comment il y a 25 ans, avec et grâce à la volonté politique de sauver leur monnaie commune, les Etats de la zone CFA ont pu conforter leur communauté de monnaie par la mise en œuvre accélérée de programmes d’unification des règles régissant leurs économies, la réforme OHADA, à vocation panafricaine, étant venue parachever le processus, sur l’impulsion des chefs d’Etat.
Aujourd’hui, pour consolider, voire sauver l’Euro, il est nécessaire que les chefs d’Etat et de gouvernement européens s’inspirent du courage, de la clairvoyance et de la volonté de leurs pairs du continent africain au début des années 90 et transforment rapidement la zone Euro en un espace de droit des affaires unifié, droit des affaires entendu au sens large et incluant donc les volets fondamentaux que sont le droit du travail et la fiscalité, vecteurs puissants et essentiels de la convergence économique.
Le Rapport des cinq présidents, feuille de route des activités de la Commission Européenne pour les mois et années à venir visant à compléter, partant renforcer et pérenniser, l’Union Economique et Monétaire Européenne et dont le présent article est l’objet, pourrait donc très utilement être complété en ce sens.