Code européen : Napoléon avait-il raison avant l’heure ?

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Le projet de Code européen actuellement à l’étude prend encore plus d’importance avec le Brexit et la sortie de l’Angleterre de l’Union européenne. Tous les pays de l’Europe Continentale, l’Espagne en tête, sont des pays de droit civil tandis que le Royaume Uni est la terre traditionnelle de la Common Law ou droit commun.

Dès sa première année tout étudiant en droit apprend la différence entre les deux droits qui ont chacun de leur côté influencé et façonné les principaux régimes politiques et juridiques de la planète (hormis les pays bouddhistes ou musulmans inspirés de leur religion locale). Pour simplifier, le droit civil est un droit codifié et fondé sur des textes et des principes de droit tandis que la common law est un droit jurisprudentiel et basé sur des jugements précédents et des cas pratiques.

Les grands principes du droit civil ont fait l’objet d’une compilation et codification importante au début du 19e siècle lorsque Napoléon décida de reprendre les travaux initiés sous la Révolution française et la plume de Jean-Jacques de Cambacérès (1753-1824), avocat et homme politique français. Le Code Civil des Français, connu aussi comme le Code Napoléonien, fut promulgué en 1804. Il est curieux de constater que malgré la présence française et napoléonienne en Espagne entre 1808 et 1813, L’Espagne adopta son premier Code Civil tardivement, en 1889.

La France est le pays qui a le plus contribué au développement du droit civil à tel point que l’on parle de droit napoléonien pour désigner le droit civil. Le Code Civil français promulgué par Napoléon Bonaparte et dont plus de 1.000 articles primitifs sur les 2.281 articles d’origine subsistent encore aujourd’hui, a connu un rayonnement mondial extraordinaire. Il a influencé les codes néerlandais (1837), neuchâtelois (1855), roumain (1864), italien (1865), portugais (1867) et espagnol (1889). Le Code Napoléonien a aussi été adopté et adapté en Louisiane (1808), Haïti (1826), au Bas-Canada (1866) et dans tous les pays d’Amérique latine. Il influença les grands-duchés de Bade, de Berg, de Rhénanie et de Varsovie, et la ville libre de Cracovie. L’Afrique du Nord, l’Afrique noire « française » et certains pays d’Asie ont adopté le Code Civil et l’utilisent encore.

Ce rayonnement international du Code Civil n’a pas été le résultat des seules guerres et conquêtes napoléoniennes du début du 19e siècle ou de la colonisation française en Afrique et Indochine. Le Code Civil imposé ou importé a survécu bien au-delà de l’époque napoléonienne parce que ses fondements étaient clairs, solides et justes. Le Code Civil était d’ailleurs fortement inspiré du légat de l’Empereur Justinien (482-565) qui aurait dit Ius Est Ars Boni et Aequi -le droit est l’art du bien et du juste.

Le caractère inachevé du marché unique représente un coût pour les entreprises

Le projet de Code Européen est né à l’initiative de l’Association Henri Capitant dont les représentants ont présenté au Parlement européen, en novembre 2018, un texte de droit des affaires qui est censé regrouper l’essentiel des droits du commerce et de l’entreprise au sein de l’Union européenne. « Le caractère inachevé du marché unique représente un coût pour les entreprises et pénalise l’attractivité du marché européen pour les investisseurs étrangers ». En effet, on est loin de la libre circulation des marchandises -un des piliers centraux de l’Union européenne- lorsqu’il faut tenir compte de 27 législations et réglementations différentes pour la mise sur le marché de produits et marchandises. La situation est encore plus compliquée si l’on ajoute par exemple les réglementations particulières des 17 Communautés Autonomes en Espagne.

L’objectif européen est de rédiger un code qui sera à la fois une compilation de l’acquis communautaire existant et une complémentarité des textes non-encore unifiés

Dirigés par un binôme franco-allemand, des groupes de travail ont réuni des experts juridiques venus de l’Europe entière, à l’instar de ce que Napoléon avait fait à l’échelle de la France, en 1800, en regroupant les spécialistes du droit coutumier de Bretagne et de Paris, et du droit écrit d’origine romain du sud du pays. L’objectif européen est de rédiger un code qui sera à la fois une compilation de l’acquis communautaire existant et une complémentarité des textes non-encore unifiés. La date de l’adoption du Code européen n’est pas fixée ni certaine. Toutefois, le nouveau code devrait permettre aux normes civiles de reprendre le dessus sur les normes de common law dans les transactions internationales et risque donc de mettre l’Angleterre encore plus à l’écart que le Brexit.

Par Eric Gardner de Béville, le 07/04/2019
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