Le 4 juin, j’ai interrogé le Gouvernement sur le projet de code européen des affaires.
Lancé il y a plus de trois ans, ce projet franco-allemand est piloté par l’association Henri Capitant, avec l’appui, entre autres, de la Fondation pour le droit continental. Il vise à « remettre le droit au cœur de la construction européenne » et « consolider l’Union économique et monétaire en l’adossant à un droit européen des affaires unifié ».
Cette initiative de la société civile est soutenue par le Président de la République, qui, le 26 septembre 2017, a proposé à l’Allemagne de « se donner d’ici à 2024 l’objectif d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites » (discours de la Sorbonne).
Cet objectif d’harmonisation du droit des affaires figure dans le traité d’Aix-la-Chapelle. Signé le 22 janvier dernier, ce traité prévoit que l’Allemagne et la France « approfondissent l’intégration de leurs économies afin d’instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes ».
En vue d’élaborer le projet de code européen des affaires, l’association Henri Capitant a mis en place pas moins de 13 groupes de travail thématiques associant une centaine de juristes européens. Leurs travaux doivent s’achever en 2020.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de la réponse qui m’a été apportée par la garde des sceaux. Vous pouvez également visualiser la vidéo de mon intervention en cliquant ici .
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 763, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Richard Yung. Ma question porte sur le projet de code européen de droit des affaires.
Cette initiative émane de la société civile européenne, sous l’impulsion de la Fondation pour le droit continental et de l’Association Henri Capitant, bien connue, dans le but de rendre plus accessible, compréhensible et fluide le droit des affaires pour les citoyens et pour les entreprises.
Cette matière essentielle aux échanges, à la mise en œuvre du marché intérieur et au rayonnement de l’Union européenne est complexe, car propre à chaque État membre. Cela veut dire qu’il faut rapprocher les différents droits des affaires de chacun des vingt-huit ou vingt-sept États membres. Il existe bien sûr des disparités entre ces pays, et ces disparités ralentissent les échanges économiques, ce qui conduit à un affaiblissement de la position européenne dans le concert de la mondialisation par rapport à des pays qui sont soumis à un droit unique.
À titre d’exemple, je parlerai des difficultés de l’investisseur étranger, qui, souhaitant investir en Europe, se trouve confronté à un choix entre différents systèmes juridiques.
Je ne parle pas du droit bancaire, du droit des hypothèques ou du droit de l’héritage, qui sont tous extrêmement complexes.
Je rappelle que l’Afrique, elle, a monté un système, à savoir l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, l’Ohada, dont le siège est à Yaoundé et qui regroupe l’ensemble des pays de la zone franc, pour dire simplement les choses.
L’initiative du code européen des affaires répond au souci de revitaliser l’Europe autour d’une volonté politique forte, que ce soit pour répondre à des considérations économiques ou pour faciliter les investissements des PME et des investisseurs étrangers.
En effet, disposer d’une base commune légale permettrait de dynamiser et de rendre plus équitables les relations économiques.
Je crois que tout le monde sera convaincu du caractère positif de cette harmonisation. D’autant qu’avec le départ du Royaume-Uni l’Union européenne sera composée essentiellement de pays de droit continental – je n’ose pas dire de droit napoléonien, mais c’est un peu l’idée…
Madame la ministre, comment se positionne le Gouvernement sur cette question ? Quelles sont les perspectives en la matière et quelles initiatives envisagez-vous éventuellement de prendre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Yung, le projet de code européen du droit des affaires est effectivement une initiative de la société civile. Son premier objectif est de consolider l’acquis européen sous une forme lisible, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Il ambitionne également de donner une impulsion nouvelle à la construction de l’Europe par le droit.
Cette initiative a été positivement accueillie, tant en France qu’en Allemagne. Elle s’accorde pleinement avec l’annonce faite par le Président de la République dans son initiative de la Sorbonne du 26 septembre 2017 de donner « une impulsion franco-allemande » à l’Union européenne, en se fixant « d’ici à 2024 l’objectif d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ».
Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019, confirme cette approche puisqu’il y est prévu d’« instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes » et de favoriser « l’harmonisation bilatérale des législations, notamment dans le domaine du droit des affaires ».
Le projet de code européen de droit des affaires s’inscrit donc dans cet objectif d’harmonisation du droit des affaires, entre la France et l’Allemagne, ainsi qu’avec l’ensemble de nos partenaires européens.
Le ministère de la justice suit de près, depuis leur origine, les travaux initiés par l’Association Henri Capitant et la Fondation pour le droit continental.
Avant même sa réalisation, ce projet de code est un lieu d’échanges, de recueil de propositions et d’idées pour la construction européenne, en y faisant participer la société civile et les acteurs concernés, qu’il s’agisse des citoyens ou des entreprises.
La réalisation d’un tel code révèle un niveau élevé d’ambition, tant le champ d’application de cette entreprise est vaste. Le droit des affaires recouvre en effet de nombreuses matières, parmi lesquelles le droit commercial, le droit des sociétés, le droit des entreprises en difficulté ou encore le droit de la propriété intellectuelle.
Conscient des nombreuses opportunités offertes par ce projet, le Gouvernement s’y est montré particulièrement attentif. Le Premier ministre a ainsi demandé que soit entamée une réflexion sur l’élaboration d’un tel code et a confié une mission à Mme la députée Valérie Gomez-Bassac en ce sens.
Cette mission a pour objectif de cerner les contours de ce projet, sa nature, le périmètre des travaux et ses modalités de mise en œuvre en identifiant les domaines du droit des affaires pour lesquels une codification, voire une harmonisation, serait souhaitable.
Ces réflexions en faveur d’un droit européen plus lisible et ouvert à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, sont nécessaires. Nous souhaitons en effet que le droit européen des affaires soit encore plus proche des petites et moyennes entreprises. Le projet de code européen de droit des affaires doit y contribuer, pour une Europe du droit au soutien de la croissance et des emplois de demain.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.
M. Richard Yung. Je me réjouis de l’avancée franco-allemande, à laquelle, d’ailleurs, devraient être associés d’autres pays. Parmi les droits que vous avez cités, madame la ministre, la propriété intellectuelle et industrielle est déjà très largement harmonisée. Il en reste beaucoup d’autres à harmoniser, complexes, comme le droit bancaire, le droit de l’héritage, etc. Nous avons un très grand travail devant nous.
Source : www.richardyung.fr