Article de Matthias Lehmann
Depuis les débuts de l’Euro, les économistes mettent en garde contre une union monétaire dépourvue de toute intégration économique attenante ; ces critiques se font de plus en plus pressantes ces dernières années. Les économistes considèrent l’Euro tantôt comme une « tragédie », tantôt comme une « menace » pour l’Union européenne (UE). Selon eux, l’introduction de la monnaie unique aurait fait perdre au gouvernements – dont les industries sont moins compétitives – leur capacité à dévaluer leur monnaie. Ils ne peuvent donc pas rivaliser avec ceux dont les économies sont plus performantes, entraînant ainsi d’importants déséquilibres commerciaux ainsi que des comptes courants négatifs. Une étude réalisée par la Banque Centrale Européenne (BCE) montre en effet que certains États membres ont vu leur compétitivité diminuer en raison d’une augmentation du coût unitaire de leur main-d’œuvre sans que la productivité n’évolue en conséquence. Alors que de tels déséquilibres sont normalement suivis de processus d’ajustement sains, tels qu’une poussée d’investissements dans les pays les moins compétitifs, cela ne semble pas être le cas au sein de la zone euro. Un article publié par le Fonds Monétaire International (FMI) indique que les investissements des États tiers ont été principalement dirigés vers les pays excédentaires et, de là, vers les pays déficitaires, ce qui a d’autant plus fait pencher la balance commerciale du côté des premiers.
En guise de remède, de nombreux observateurs suggèrent une gouvernance économique plus collective ainsi qu’une intégration fiscale plus étroite au sein de la zone euro. Cependant, imposer des contraintes politiques et budgétaires aux parlements et gouvernements nationaux porte atteinte au principe de la souveraineté des États membres. Il est donc important d’éviter de trop insister sur un contrôle budgétaire plus strict pour une construction européenne efficace ; l’intégration fiscale ne constitue qu’une des conditions indispensables à la survie d’une union monétaire. En effet, la mobilité transfrontalière des facteurs de production n’est pas moins importante. Les processus d’ajustement nécessaires dans une zone monétaire ne peuvent avoir lieu que si le travail, le capital et les autres facteurs de production peuvent circuler librement là où ils sont le plus nécessaires. Il convient d’admettre que cette mobilité de facteurs n’a pas été pleinement réalisée dans l’UE. Cela est évident en ce qui concerne la main-d’œuvre, qui n’est pas aussi mobile qu’aux États-Unis, par exemple. Les restrictions quant à la mobilité des travailleurs relèvent de plusieurs facteurs mais celui relatif à la création et à l’exploitation d’entreprises retient notre attention. L’étude de la BCE relève des différences dans les réglementations des marchés de produits ainsi que dans « l’environnement des entreprises », par exemple en ce qui concerne les procédures d’exécution des contrats. Si certaines de ces différences peuvent avoir leurs racines dans une culture administrative spécifique et une certaine tradition bureaucratique, elles découlent aussi, du moins en partie, des divergences entre les législations nationales.