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Le Brexit, improbable jusqu’à la dernière minute, repoussé à plusieurs reprises, est devenu une réalité. L’article 50, clause de retrait, est mis en œuvre et la Grande-Bretagne quittera bel et bien l’aventure européenne. Ce pays, maillon fort de la Common law en Europe, laisse seul, aujourd’hui, le système juridique de l’Irlande dans un environnement juridique romano-civiliste européen (et une forme de bi-juridisme à Malte). Les systèmes juridiques européens, de tradition civiliste, créent les conditions d’une prise de conscience que l’harmonisation de certaines catégories de droits est une priorité pour l’avenir de l’Europe et de ses membres. C’est précisément le cas du droit des affaires. A l’instar du Uniform Commercial Code des États-Unis d’Amérique ou encore du droit OHADA commun à dix-sept États africains, l’Union Européenne, ou tout au moins la Zone Euro, pourrait avoir intérêt à une telle harmonisation1.
En avril 2016, l’Association Henri Capitant et la Fondation pour le Droit Continental, deux acteurs particulièrement reconnus du monde juridique, ont présenté un travail d’inventaire du droit européen des affaires2 qui valide la nécessité d’un environnement juridique de l’entreprise et du commerce nettement plus intégré pour favoriser la convergence économique, nécessaire à la consolidation de l’Euro. Cet inventaire tend à un double objectif :
- inventorier synthétiquement l’étendue de l’acquis communautaire dans plusieurs matières fondamentales participant directement à la vie des affaires ;
- soumettre à la discussion d’éventuelles perspectives de réflexion.
Malgré des constructions importantes en matière de droit des affaires (Groupement Européen d’Intérêt Économique, Société Européenne, Société Coopérative Européenne, titre exécutoire européen, etc.), de nombreux chantiers restent à exploiter. En effet, hormis ces constructions, le droit des affaires européen ne s’intéresse que très peu aux commerçants et entrepreneurs, se focalisant plutôt sur les banquiers, les assureurs et les consommateurs. Le droit des affaires étant avant tout le droit des commerçants et des entrepreneurs, beaucoup reste du domaine de chaque État membre.
L’idée d’un Code européen des affaires se veut un projet au service du tissu économique et de la monnaie unique. Il s’agirait d’une opportunité majeure pour les commerçants et les entreprises, dans la mesure où le marché intérieur européen représente le premier partenaire commercial de chaque membre de l’UE. Les divergences entre les législations des États membres en matière de droit des affaires sont autant de freins à la bonne conduite des « affaires », situation exacerbée en cette période de crise sanitaire. Si marché et environnement juridique convergeaient, les conditions du développement économique et de l’accroissement de compétitivité seraient réunies de façon plus optimales et seraient une réponse aux réflexions engagées actuellement sur économie « post Covid-19 ». Une harmonisation ou une unification des règles européennes en matière de droit des affaires constituerait dès lors une sécurisation de l’environnement juridique des entreprises et plus largement de leur écosystème général. La situation actuelle incite nombre de petites entreprises à se cantonner à leur marché national, voire local. L’harmonisation du droit des affaires en Europe pourrait ouvrir des perspectives à ces entreprises, au tissu européen de TPE/PME.
La Commission européenne a décidé de suivre ce projet et le « Livre Blanc sur l’avenir de l’Europe, réflexions et scénarios pour l’UE27 à l’horizon 2025 », publié le 1er mars 2017 le consacre : « Un groupe de pays travaille en collaboration et convient d’un « code de droit des affaires » commun unifiant le droit des sociétés, le droit commercial et des domaines connexes, qui aide les entreprises de toutes tailles à exercer facilement leurs activités au-delà des frontière ». Cette mention explicite du projet de Code européen des affaires dans le Livre Blanc, feuille de route de l’UE post-Brexit, constitue le signe d’une prise de conscience institutionnelle et de la portée stratégique du projet. Le traité d’Aix-la-Chapelle sur la coopération franco-allemande (2019) stipule en son art. 20 « […] favorise l’harmonisation bilatérale de leurs législations, notamment dans le domaine du droit des affaires ».
La Covid-19 et la crise d’ampleur qu’elle suscite pourraient être un accélérateur pour ce projet. Le 25 mars 2020, la Commission européenne a publié des orientations sur la protection des technologies et des actifs européens critiques dans le contexte de la crise. Débat qui anime la plupart des pays de l’UE aujourd’hui. La solution ne résiderait-elle pas, au moins partiellement, dans un Code européen des affaires ?
Stéphane Mortier, adjoint à la Section Sécurité Économique et Protection des Entreprises, Direction Générale de la Gendarmerie Nationale.
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1 Voir Paul Bayzelon et Elise Bernard, « Pour un Code européen des affaires », Fondation Schuman – Question d’Europe, n° 418. http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0418-pour-un-code-europeen-des-affaires
2 Association Henri Capitant (dir.), La construction européenne en droit des affaires : acquis et perspectives, LGDJ, Paris, 2016, 391p.