Les Echos, mardi 18 juillet 2017 – IDEES & DEBATS//09
Le point de vue de Philippe Dupichot, Michel Grimaldi et Reiner Schulze
Au lendemain des célébrations du 60e anniversaire du traité de Rome, il revient au président de la République nouvellement élu de donner concrètement à l’Union européenne un nouveau souffle, à l’initiative du couple franco-allemand : l’élaboration d’un Code de droit européen des affaires, qu’appellent de leurs vœux de nombreux membres de la société civile et des professions du droit, pourrait de ce point de vue constituer un chantier précieux pour la relance de l’Europe. L’Association Henri-Capitant a publié en octobre 2016 un inventaire de l’acquis communautaire en droit des affaires : « La Construction européenne en droit des affaires : acquis et perspectives », ouvrage trilingue préfacé par Valéry Giscard d’Estaing. Il ressort de son diagnostic que, en dépit de louables efforts de l’Union, les directives et, dans une moindre mesure, les règlements intéressant les matières du droit des affaires restent en la forme insuffisamment lisibles et accessibles. Quant au fond, la construction d’un droit commercial européen reste largement à faire. Pour l’instant, ce droit reste encore largement la chose des Etats membres.
Il devient chaque jour plus étrange que les 28 Etats membres commercent entre eux sous l’empire de droits des affaires éclatés et alors que 19 d’entre eux usent d’une monnaie commune. La sortie du Royaume-Uni, terre de « common law », est propice à ce que le droit continental – que l’immense majorité des Etats membres ont reçu en partage – structure davantage l’Europe des échanges. Une délégation de l’Association Henri-Capitant et de représentants des milieux économiques, soutenue par la Fondation pour le droit continental et les professionnels du droit, a présenté ce projet au Parlement européen le 13 octobre dernier.
Peu après, la Commission européenne, dans son « Livre blanc sur l’avenir de l’Europe – Réflexions et scénarios pour l’UE27 à l’horizon 2025 », publié le 1er mars 2017, a heureusement retenu, par suite de l’œuvre entreprise, le scénario d’un « Code de droit des affaires » commun unifiant le droit des sociétés, le droit commercial et des domaines connexes, qui aide les entreprises de toutes tailles à exercer facilement leurs activités au-delà des frontières.
Ce code aux couleurs bleu et or de l’Union aura pour mission d’accroître la lisibilité du droit de l’Union et de l’incarner aux yeux des commerçants européens. L’Association Henri-Capitant a d’ores et déjà amorcé la rédaction de ce code. Elle agrégera les efforts et le talent d’éminents juristes de l’Union. Pour chaque matière, un couple franco-allemand constituera un groupe de travail au sein duquel universitaires et praticiens des 27 Etats membres trouveront toute leur place.
Chacun de ces groupes aura pour mission de proposer à échéance de trois ans un code thématique de droit européen des assurances, de droit européen des sociétés, des procédures collectives, des garanties, etc. L’ensemble pourra former un vaste Code, authentiquement européen, de droit des affaires, riche de plusieurs volumes.
C’est là un projet d’une telle ampleur qu’il aurait, aux yeux de certains, toutes les raisons d’échouer, si l’intérêt qu’il suscite de la part de la Commission et du Parlement européen ne montrait amplement qu’il n’est déjà plus tout à fait une utopie. L’Allemagne, la France et les autres Etats, qui ont en partage le génie de la codification, n’ont-ils pas la responsabilité de le mettre au service de l’Union afin que celle-ci ressorte plus forte des turbulences qu’elle a traversées ?
Philippe Dupichot est secrétaire général de l’Association Henri-Capitant.
Michel Grimaldi est président du conseil scientifique de la Fondation pour le droit continental.
Reiner Schulze est président du groupe allemand de l’Association Henri-Capitant.